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Caprice au pays des Merveilles

TEXTE ET PHOTOS THIERRY SUIRE


Ça nous a pris comme une envie de binouze un vendredi soir de boulot. L’appel de la montagne au cœur de l’été torride. Avec l’espoir d’y être caressé par un souffle de fraîcheur. Et, si possible, cueillir un petit supplément d’âme sur les cimes rocailleuses des Alpes du Sud. Pour un voyage dans le temps au pied des gravures protohistoriques qui encadrent le Mont Bégo.



Dans ces nuits sans sommeil à plus de 30° C, on s’est pris à rêver de jouer à saute-moutons au-dessus du dôme de chaleur qui écrasait la Côte d’Azur à la mi-août. Le moment idéal pour ressusciter un vieux projet mille fois ressassé entre potes et jamais assouvi : si on allait au pays des Merveilles, sur les traces des grands anciens. Découvrir les fameuses gravures néolithiques, ce livre minéral qui garde bien des mystères. Il n’est jamais trop tard pour jouer les Champollion sur la pierre de rosette azuréenne.

Deux coups de fil plus tard, c’est décidé : avec Fred, barbe de bucheron et âme nature, on va arpenter les flancs du mont Bégo et pourquoi pas, comme nos ancêtres, implorer les Dieux – quels qu’ils soient - de nous offrir quelques pluies bienfaitrices. Nuit au refuge des Merveilles réservée. Visite guidée également. Rendez-vous est pris pour les 20 et 21 août.


Framboises et myrtilles

Le jour J, direction le parking du lac des Mesches dans la vallée de la Roya, entre Saint-Dalmas-de-Tende et Castérino. A quelques encâblures de l’arrivée, petite pause-café à la boulangerie de Saint-Dalmas accompagnée d’un service « grand sourire ». Un petit rien... mais on prend déjà un grand bol d’air pur. L’esprit village, l’esprit montagne.

13 heures. Voiture posée, casse-croûte englouti... il est temps. Sac au dos et baskets aux pieds, on s’est alors lancé dans cette ascension en deux temps. Avec une valse hésitation entre course et marche... Le dénivelé le décidera pour nous. Marche quand ça grimpe fort, course sur les replats.

Départ à 1 350 mètres d’altitude pour une arrivée prévue à 2 100 m. La grimpette est agréable, parsemée de petits lacs, de cours d’eau et de quelques cascades. Après une vingtaine de minutes, petite pause patrimoine. On croise la mine de Vallauria, gisement de plomb argentifère et de zinc exploité dès le XIe siècle et encore au début du XXe siècle. Autour des 15 kilomètres de galeries percées dans la montagne, le hameau de la Minière de Vallauria a été monté de toutes pièces pour accueillir les mineurs et leurs familles. Un habitat historique délaissé en 1927 et réhabilité à partir de 1961 par des chantiers de jeunes de l’association Neige et Merveilles.



Nous voilà repartis sur la piste cahoteuse et caillouteuse. A la première intersection, on décide de quitter la piste et de s’engager sur le sentier. A nos pieds, de part et d’autre du single, un parterre de myrtilliers. Mais, en cette fin août, les délicieuses boules violacées se font, ici, rares. Et les quelques rescapées ont été bien asséchées par les fortes températures. Un peu plus loin, ce seront des framboises sauvages, goûteuses à l’envi, qui s’offriront à notre palais. Vous l’avez compris, la performance sportive n’est pas la priorité de cette amicale virée ! Malgré l’affluence sur le site des Merveilles (on le constatera à notre arrivée), l’ascension se passe dans une solitude bienfaitrice. Confidences et silences accompagnent nos pas. Avec le souffle court et le palpitant qui s’emballe dès qu’on pousse un peu la machine. Causer ou respirer, c’est avant tout la nature qui décide ! Un peu plus haut, le grelot d’un paisible troupeau de vaches vient égayer notre environnement sonore.

A la deuxième intersection (piste/sentier), on choisit de rester sur la piste et de délaisser le chemin qui longe le cours d’eau et les cascades. On réserve cette partie-là pour le trajet retour. Moins raide, la piste permet de trottiner un peu. Avec l’altitude, les arbres ont laissé la place à un environnement dépouillé. Entre les blocs de roche, l’herbe encore verte fait le bonheur des troupeaux de brebis montés en Alpage.


« Le souffle court et le palpitant qui s’emballe dès qu’on pousse un peu la machine. »


Ambiance refuge

Après trois petites heures d’ascension, en profitant des richesses alentours, le refuge des Merveilles pointe à l’horizon, calé sur les bords du lac long supérieur. Rafraichissement, installation dans le dortoir, douche... Il faut vivre cette ambiance refuge. Rencontres éphémères et croisement de cartes IGN. La nuit aussi, il faut la vivre (79 randonneurs répartis dans deux dortoirs). Que du bonheur, d’autant que, sans balancer, je crois que Fred le bûcheron n’avait pas éteint la tronçonneuse ! Petit déj’, pique-nique dans le sac, on est prêts pour la deuxième étape de notre périple : la visite des gravures rupestres au côté d’un guide agréé par le Parc National du Mercantour. On a rendez-vous dès 8 heures du mat’ avec nos ancêtres du Néolithique.



6 000 ans d’histoire vous contemplent


Alors oui, c’est vrai, ce ne sont pas les peintures réalistes des grottes ornées, aux couleurs restées éclatantes par-delà les millénaires. Mais que d’émotions, tout de même, de découvrir ces gravures symboliques.


17 000 motifs sur la seule vallée des Merveilles. Et 15 000 supplémentaires de l’autre côté du mont Bégo, sur la vallée de Fontanalbe. Quelle frénésie artistique ! Quel incroyable désir de dire, de transmettre, d’implorer... On ne sait pas en fait le pourquoi de ces messages ancestraux. Ils s’offrent aux regards, aux interprétations, aux affabulations.

Pour rester dans le récit étayé des historiens et archéologues qui se sont penchés sur ce lieu quasi unique (il existe un autre site gravé au Valcamonica dans le nord de l’Italie), on a suivi le guide. La passionnée Charlie Buzenet, coiffée d’un magnifique chapeau en laine de brebis déniché dans la boutique La Fée Capeline à Tende, nous entraîne de bloc en bloc, décryptant ces traits emmêlés pour en révéler le sens. Dans la mesure de ce que les hommes d’aujourd’hui peuvent en savoir.

Premier éclaircissement : le mot « merveilles », si doux à nos oreilles, prend un tout autre sens ici. « Il signifie étrange, comme dans Alice au Pays des merveilles », décrypte Charlie. D’ailleurs, pendant des siècles, tout était fait pour que les hommes évitent cet endroit et ses mystérieuses écritures. Les noms donnés à certains lieux en témoignent : la cime du diable, le pas du diable, le val de l’inferno...

Quant à savoir pourquoi ces gravures sont ici et pas ailleurs, la guide avance avec prudence. Elle évoque la proximité du mont Bégo autour duquel sont les gravures. C’est un sommet que l’on voit de très loin et qui, du haut de ses 2 872 m, domine la vallée (même s’il n’est pas le plus haut du secteur). Un lieu connu aussi pour accueillir de fortes pluies. Elle détaille aussi la géologie du lieu. La descente du glacier qui a compressé et lissé des roches tendres offrant un parfait support pour les hommes du néolithique dotés d’outils en quartz et gravant par piquetage. Le pointillisme bien avant les peintres Georges Seurat ou Paul Signac.

Les 32 000 gravures répertoriées ont été classées en 5 catégories : les animaux à cornes et leurs attelages, très nombreux ; les armes et outils (principalement des représentations de poignards en pierre ou en bronze, des haches et des hallebardes) ; des figures géométriques rectangulaires (réticulés) divisées en cases (et pouvant être selon les interprétations des parcelles cultivées) ; les figures anthropomorphiques (comme celle du christ que nous atteindront à la fin de notre visite avec la guide du Parc). Et enfin, tous les autres motifs qui n’entrent dans aucune de ces catégories.

La visite terminée, il faut absolument pousser la randonnée jusqu’au lac des Merveilles, délicieux site naturel entouré de sommets. Deux choix s’offrent alors aux marcheurs : redescendre au refuge des Merveilles et emprunter le chemin de l’aller ou gagner la vallée de Fontanalbe, redescendre jusqu’à Castérino où quelques navettes, à heure fixe, ramènent les randonneurs au lac des Mesches ou à Saint-Dalmas de Tende. Mais attention aux horaires !


Pour réserver

> Pour la visite guidée des gravures, réservation en ligne sur www.vallee-merveilles.com

> Pour une visite individuelle avec l’accompagnatrice en montagne Charlie Buzenet :

> Pour la réservation au refuge :

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