PAR SÉBASTIEN NOIR
PHOTOS : Fonds personnel Constantin Djivas
The Voice. La voix. Celle qui ferait retourner chaque supporter niçois sur son fauteuil rouge et noir. Deux couleurs qui coulent dans ses veines depuis sa naissance le 27 juillet 1989. Lion ascendant bonne étoile. Constantin Djivas est parvenu à conjuguer ses trois passions, le Gym, le football et le journalisme, au plus que parfait. Trajectoire d’un
passionné qui, désormais, est le speaker titulaire du Gym à domicile.
Dimanche 25 août 2024. L’OGC Nice reçoit Toulouse pour le match inaugural du championnat de Ligue 1 à domicile. Une voix résonne dans l’Allianz Riviera. Une voix connue. Reconnue. Celle de Constantin
Djivas. Même si c’est sa première comme speaker du stade niçois, l’amoureux du Gym commente les matchs sur les réseaux du club depuis pas mal de temps déjà (il continuera de le faire lors des matchs à l’extérieur) : « Ça m’a aidé bien sûr. Comme Fabrice Mauro, speaker durant dix ans, qui m’a donné le micro de temps en temps, six mois avant, pour me préparer. Comme « La Sud » et tous les supporters qui m’ont accueilli avec bienveillance, que je remercie également. Ils ont tout fait pour m’épauler ».
La gorge n’est même pas nouée. Le trac ? Il l’a laissé sur le banc de touche. « Le plus dur, c’était la veille. Quand j’ai écrit le conducteur. Après, tout s’est bien passé. Ou presque… »
Presque, parce que Toulouse a gâché la fête. Sa fête. Babicka est venu battre Bulka pour repartir avec le nul.
Le cheveu aussi parsemé que l’herbe sur la pelouse de l’Allianz ce jour-là, Constantin est frustré. Mais, il ne le sait pas encore, il va vivre une soirée historique pour sa deuxième au micro de l’Allianz…
Nice brise les Verts
Vendredi 20 septembre 2024. L’OGC Nice célèbre les 120 ans du club en recevant le rival stéphanois. Et, ce soir-là, le plus beau des cadeaux attend les supporters niçois au premier rang desquels Constantin
Djivas. Un 8-0 face au rival stéphanois.
« Paradoxalement, le début ne fut pas terrible. Il y a des détails que j’aurais dû mieux contrôler, des séquences mieux gérer. Mais, dès que le match a commencé, c’était fini ».
D’autant que le doute ne dure pas longtemps. Le Gym ouvre la marque dès la 4e minute. Constantin prend le micro : « C’était une bonne chose, mais je ne voulais pas m’emballer. Et c’est toujours difficile de mobiliser le public sur un but contre-son-camp. Mais, ensuite… ».
Ensuite, Nice double la mise trois minutes plus tard. A la 26e, les rouge et noir mènent 3-0. « Ça n’arrêtait pas. Je me suis dit, ils vont les éclater. Là, j’ai lancé quelques cris, ce qui m’a valu les remarques du délégué. Et puis, badaboum, trois autres réalisations avant la pause. Il m’a encore réprimandé, mais pas grave, que c’était bon. Et, pour moi, ce match est l’acte fondateur du Gym de Franck Haise ».
D’autant que les Aiglons décollent encore en seconde période. Ils brisent littéralement les Verts avec un football champagne. « Et là, le public a été extraordinaire. Mais, ce qui m’a le plus surpris, c’est que les gens accentuaient davantage sur le 0 des visiteurs que sur le 7 puis le 8 de Nice quand j’annonçais le score. On se vengeait des années de rivalité avec Saint-Etienne. C’était génial ! Un vrai plaisir collectif ».
A fond, la superstition
Les Verts, ce soir de septembre, étaient de vrais boulets. Et les Niçois, eux, ont eu droit au canon. « On sentait que tout le monde voulait rester dans le stade. Prolonger cet instant magique. Quand le canon a retenti, j’ai juste dû préciser que c’était le canon qu’on avait descendu du Château », lance-t-il dans un sourire conjugué à de l’émotion.
Pas de frustration cette fois. Pas de déception. Mais il fallait quand même quitter la pelouse, évacuer le décor de l’exploit.
Heureusement, le prochain rendez-vous, avec la Real Sociedad cette fois, était fixé seulement cinq jours plus tard…
Et ce mercredi 25 septembre, Constantin est toujours là bien sûr. Vêtu de la même tunique que le samedi soir (avec un petit pull en plus), le speaker prend la parole. « Ma femme va me gronder, mais je peux l’avouer, je suis très superstitieux.
Pour le nul face à Toulouse, j’étais proche du banc niçois. Mercredi, nous avons gagné alors que j’étais à côté du banc visiteur.
Ce soir, je sais où je vais me mettre ».
Voilà, le rire est toujours à la pointe de l’attaque. Même si sa pudeur, parfois, le place en défense.
C’est aussi pour cela qu’il est si attachant. Revoilà Constantin reparti de l’avant : « J’ai essayé de mettre toutes les chances de notre côté. Je suis non seulement habillé de la même façon, je me suis mis au même endroit et j’ai dans la poche deux petits personnages que mon fils Nicolas, 3 ans et demi, m’a donnés avant la victoire face à Saint-Etienne. Je les ai installés au bureau la semaine et ils sont là ce soir. Comme mon stylo : je garde le même temps qu’on gagne. Et j’écris de la même couleur ».
Qu’on se rassure, Constantin Djivas n’a pas changé. Il n’est pas devenu superstitieux lorsqu’il a pris le micro. Il l’était déjà
auparavant.
« Cela m’a valu quelques chambrages d’ailleurs. Un jour, j’ai commenté avec un bonnet sur la tête. Puis, on a rejoué à l’extérieur, il faisait chaud. Je l’ai gardé sur la tête. On a gagné, mais bon, j’ai pris quelques remarques. Peu importe, en fait, j’aime tout figer quand on l’emporte. C’est tout ce que j’apprécie ».
On espère qu’il restera longtemps, très longtemps, du côté du banc visiteur !
SON PERE L'A MIS SUR LE BON "RAY"
The Voice a trouvé son bonheur sur le pré. Mais si, aujourd’hui, Constantin
Djivas pousse la voix lors des « Battles » à l’Allianz Riviera, son amour pour les Aiglons, c’est au Ray qu’il le cultive.
Et le jardinier de cette greffe rouge et noir, qui prend immédiatement, c’est Jean-Jacques. Dit JJ. Deux lettres pour ce paternel qu’aujourd’hui encore Constantin écrit en majuscules. « Mon papa m’a tout appris : la passion du foot, le Gym, le baby-foot. Et même à m’amuser au micro en attaquant tout le monde autour de moi, car il était animateur dans des centres commerciaux pendant longtemps… Au micro, c’était le meilleur ! En plus de bien faire son travail, il te faisait t’écrouler de rire », explique le trentenaire au grand cœur, bonhomme si attachant qu’il fait l’unanimité autour de lui. Alors, les soirs de match, quand JJ peut (il travaillait tellement qu’on ne pouvait pas y aller tout le temps), « Taki » (son surnom depuis toujours) est là. Près de la rotonde. Ou à la sortie des joueurs, lorsqu’il guette un regard.
Pour le Gym, il entre en religion. Et le Ray, c’est le temple. Là où il se regroupe autour des adeptes, où les prières se succèdent pour un succès. « Petit, comme mes parents travaillaient beaucoup, on allait au match en famille quand on pouvait. Sinon on les écoutait à la radio, à la pizzeria, et on regardait les résumés en rentrant à la maison. Plus grand, à la vingtaine, j’ai pris mon abonnement avec tous mes potes de Villefranche, bien sûr. Pourtant, soyons honnêtes, c’étaient des saisons en bois », éclate-il de rire.
Peu importe, lorsqu’il croque dans la « Tuna Fish » de la pizzeria familiale, La Joconde, Rue Delille, « son » OGC Nice est toujours le roi. Celui qui monte sur le trône de France en 1997, « un moment inoubliable, cette Coupe de France contre Guingamp. Nous avions suivi le match du resto, qui était plein. Et derrière, je me souviens des klaxons et du bruit en ville… ».
Évidemment, JJ et Constantin veulent fêter les héros du Parc des Princes. Ou les Princes du Parc plutôt
Et il faut les célébrer, les encenser. Les soirées à leur gloire se répètent à l’envi. « Ce qui est drôle, c’est que les souvenirs sont différents en fonction des époques, petit, ado ou grand. En revanche, ce qui ne changeait jamais, c’est la joie qu’on éprouvait avant un match. On montait au Ray. Chez nous… »
Et là, pour la première fois, le regard de Constantin ne pétille plus. Les yeux sont presque humides. Et pourtant… le 22 septembre 2013 est arrivé. Un jour plein d’espoir. Mais aussi empli de tristesse. « On devait dire au revoir au Ray. Comme il se doit. J’étais avec tous mes amis et pour nous, ce fut une Fête nationale. Toute notre enfance partait avec le Ray, même si le Gym devait, lui aussi, grandir. Être ambitieux. Avoir un nouveau stade pour franchir un palier. Et c’est ce qu’il s’est passé. On a vu jouer les Ben Arfa, les Balotelli. Pour les gens de mon âge, on a véritablement découvert l’Europe à ce moment-là car, à part la Coupe des Coupes quand on était petit, l’improbable Intertoto et Limassol, on ne l’avait jamais eue. L’hymne de la Ligue des Champions contre Naples a retenti chez nous. En fait, on fermait un album souvenirs pour en ouvrir un autre ». Avec Jean-Jacques, bien sûr…
DU TERRAIN AU COMMENTAIRE,
CHRONIQUE D'UN RÊVE ANNONCE
Gamin, Constantin avait ses posters affichés au mur de sa chambre.
Ses idoles ? « Cantona, Redondo et Zizou, bien sûr ».
Bon, il sait qu’il ne les verra jamais fouler la pelouse du quartier Saint-Maurice. Mais, Constantin se glisse dans leurs maillots lorsqu’il tape dans le ballon dans les rues de Villefranche où JJ gère l’hôtel Riviera. « J’avais le ballon collé au pied. Tout le temps. J’évoluais en 6 ou latéral gauche. J’ai commencé à l’US Villefranche. Avant que mon oncle, Jeannot Baral, issu d’une grande famille niçoise, glisse à mon père le nom du Cavigal ».
Le rouge et noir. Encore. « J’y ai vécu de belles années. Je me souviens des tournois, surtout à Marseille. On mangeait des merguez, des chips. Bon, j’étais un peu gras entre ça et les pizzas ».
Pourtant, Constantin fait un essai à Monaco. Concluant. « Je prenais le bus, le 100, et j’y étais. C’était plus facile pour ma maman, car mon père n’a pas le permis ». Des benjamins jusqu’aux seniors, en passant un an par le centre de formation, dans lequel il côtoie les Yohan Mollo et autres Valère Germain. Puis, les 16 ans Nationaux sous les ordres de Laurent Banide. Avant Bruno Irlès, « très sympa. Il venait me chercher au lycée Masséna, où j’ai passé le bac ES. Il m’aidait à faire mes devoirs ».
Mais le rouge et blanc n’a pas remplacé le rouge et noir. Loin de là : « Un jour, alors que j’étais en PHA, j’étais arrivé avec un pull du Gym, ce qui m’avait valu une remarque d’un des coachs que j’avais eus en jeunes… Après, à Monaco, en amateurs, on ne va pas se mentir, il n’y a que des Niçois hein… ».
Un autre éclat de rires. Communicatif. Pourtant, la grimace arrive vite.
Les années galère
avant le journalisme
A Monaco, il croise la route de David Le Goff en moins de 18 ans. Et elle allait être sinueuse. « Au début, tout roulait. Grâce à lui et à Giuseppe Luongo, nous sommes partis à trois passer un test aux Hibernians, en Ecosse, puis à Birmingham, en Angleterre. Pas concluants pour moi.
J’étais à deux doigts d’arrêter lorsqu’il m’a proposé le CS Chesnois, un club de D3 suisse, de Genève. On est monté en R5 avec mes potes. Je me suis fait un Erasmus là-bas », sourit-il.
Avec un contrat pro en guise de diplôme à la clef, en D2, au Stade Nyonnais. « Bon, quand tu vois les monstres aujourd’hui, je n’ai pas vraiment été pro. Mais je me suis éclaté. J’étais à mon pic de forme. Avant deux blessures, qui m’ont ouvert les yeux sur pal mal de choses qui m’ont fait prendre la meilleure décision de ma vie. J’avais 21 ans, j’avais le mal du pays. J’ai craqué. J’ai dit stop, le football, c’est fini. Je ne voulais pas prendre le risque d’avoir une vie pourrie à cause d’une fausse carrière ».
Le journalisme pour écrire les belles lettres du Gym
Constantin Djivas revient à la maison. Chez ses parents, avenue Albert 1er, Villefranche-sur-Mer. Il veut écrire d’autres pages plus souriantes de son existence. « Je suis entré à l’École de Journalisme. J’avais dit à mes parents que je voulais la payer moi-même, par respect pour eux. Le foot m’a permis de financer mes deux premières années. La troisième, je suis devenu serveur au Côté Jardin à Villefranche, avec M. Yves et Vito. Je me suis régalé. J’ai appris à écrire, à parler à la radio, à la télé ».
Et pourtant, là encore, le destin lui met un mauvais tacle. Au bout du cursus, pas de boulot. A la fin du stage d’été, c’est décidé, Constantin repart à l’étranger, espérant enfin valider son visa pour le bonheur. Il explose de rire : « On me chambre encore aujourd’hui avec ça. Je suis parti à Florence. J’ai trouvé un poste de serveur dans un resto génial. Mon beau-frère m’a aidé à emménager en Italie. Mais la maison et mes potes me manquaient. Au bout de dix jours, retour à la case départ ».
Et il ne touche pas 20 000. Il tire alors une carte Chance : il répond favorablement à une offre de stage pour Actufoot.
« C’était improbable et génial. Je me suis occupé de l’édition corse. On est parti d’une page blanche, je me suis régalé. Et puis, des passerelles entre Actufoot et l’OGC Nice existaient… On m’a proposé de travailler pour le Club. Je ne savais pas que c’était possible. C’était il y a 10 ans. En plus, très vite, je me suis retrouvé à bosser avec Fabien Hill, qui est mon meilleur ami depuis le lycée. Ce qui ajoute encore plus de bonheur à tout le reste. Je me dis tous les jours que j’ai de la chance », sourit-il.
Et puis, son premier match aux commentaires, grâce à une inspiration de Yannick Faraut, suivie par Laurent Oreggia, et au soutien sans faille de Virginie Rossetti. Un Nice – Monaco, réserve contre réserve, qu’il n’oubliera jamais.
Le début de la suite.
Car, progressivement, le commentaire s’installe dans sa vie. Les matchs des jeunes Aiglons. Les matchs amicaux de l’équipe première. Une nouvelle musique agréable et régulière, jusqu’au déclic post-Covid. Un moment où le Club décide de lancer son format « live-match » : des commentaires radio où Constantin est filmé (pour des questions de droits, le terrain ne peut apparaître à l’écran).
Et tout de suite, les fans remarquent son amour pour Nice. Sa façon toute personnelle de s’enflammer quand le Gym marque. Sa manière à lui, aussi, de s’éteindre quand il encaisse un but. « Je commente comme un supporter avec des potes dans les tribunes ».
Depuis, il est connu. Reconnu. Avoue que, parfois « on m’arrête pour me parler du Gym, on me klaxonne aussi en hurlant allez le Gym. C’est toujours très sympa ». Et Jean-Jacques, à ses côtés, est tout à son bonheur. Comme sa maman, Floriana, ses sœurs, Alexandra et Marie-Hélène, ses nièces, son neveu et tous ses amis. Sans oublier, bien sûr, son fils. Le petit Nicolas, qui apprend l’école de l’OGC Nice depuis sa naissance, dont le regard est empli de fierté. Quant à Elena, son épouse, sa première supportrice, elle a appris à vivre avec Constantin et sa maîtresse rouge et noir. « Mais attention, si je ne suis pas bon, ce seront aussi les premiers à me le dire et à me couper en deux », conclut-il dans un éclat de rire. Comme toujours……