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Didier Drogba : « Mon appel pour la paix m’a transformé comme joueur et comme homme »

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  • 3 juil.
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 juil.

PAR THIERRY SUIRE

PHOTOS PEACE AND SPORT

Il est en mission. Le renard des surfaces est devenu colombe. Attaquant reconverti défenseur… de la paix. L’icône du football met son aura planétaire au service de la tolérance et de l’entente entre les peuples.

 

L’ancien Blues, vainqueur de la Ligue des Champions avec Chelsea et quadruple champion d’Angleterre, passé par l’OM (meilleur buteur du championnat de France et finaliste de la Coupe de l’UEFA), Guingamp ou encore Galatasaray, a toujours mouillé le maillot pour ses clubs et pris ses responsabilités sur le pré vert. En finale de la Coupe aux grandes oreilles, face au Bayern de Munich, c’est lui qui marque le but égalisateur. C’est encore lui qui envoie le dernier tir au but de son équipe au fond des filets. Un homme des grands rendez-vous.

Un leader naturel sur le terrain comme en dehors. Son charisme et sa force mentale, Didier Drogba les mobilise aussi pour un autre combat : celui de la paix. En 2005, avec les Éléphants de Côte d’ivoire, il arrache la qualification de l’équipe nationale pour la Coupe du Monde alors que son pays est fracturé, depuis 3 ans, par la guerre civile. Dans le vestiaire, face caméra, il rassemble ses coéquipiers et prend la parole, genoux à terre, pour appeler à l’unité nationale. Une supplique au retentissement énorme.


Cet appel de Khartoum résonne encore dans le cœur des partisans de la paix :

« Ivoiriens, Ivoiriennes, du Nord et du Sud, du Centre à l’Ouest, on vous a montré aujourd’hui que toute la Côte d’Ivoire peut cohabiter, peut jouer ensemble pour un même objectif : se qualifier pour le Mondial. Je vous avais promis que cette fête allait rassembler le peuple. Aujourd’hui, on se met à genoux (…). S’il vous plaît, déposez tous les armes. Organisez des élections et tout ira mieux. »


Ce cri devient le symbole de son engagement au-delà du sport, dans une diplomatie du terrain, portée par son énergie et sa force de conviction. Une mission qu’il mène avec sa Fondation et en tant que vice-président de l’association Peace and Sport.

Il rembobine, pour le magazine Héros, ce moment de bascule dans sa vie d’homme et de citoyen et détaille ses engagements actuels au service de la réconciliation des peuples.


En 2005, votre appel à la réconciliation nationale a marqué les esprits.

Comment avez-vous vécu ce moment ?

C’était un moment d’unité rare. Ce n’était pas planifié, c’était une nécessité. Une nécessité de vivre dans un pays en paix, dans un monde en paix. Ce jour-là, c’était un appel du cœur. Je savais que ma voix pouvait porter, non pas parce que je suis plus important qu’un autre, mais parce qu’en tant que personnage public, mes actions font plus d’écho. Ce message, n’importe qui aurait pu le porter, mais c’était mon rôle à ce moment précis. Ce n’était pas prémédité, c’était instinctif, sincère.

 

N’avez-vous pas craint de brouiller votre image ?

Bien sûr, il y a toujours des risques. Mais à ce moment-là, l’image importait peu. Quand ton pays est divisé, que des gens souffrent, tu ne penses pas à ta notoriété. Tu penses à ce que tu peux faire, même modestement, pour contribuer à un apaisement.

 

Comment avez-vous ressenti l’accueil des Ivoiriens et des belligérants à votre appel ?

J’ai ressenti beaucoup de reconnaissance et de soutien. C’était un message simple, mais sincère, qui a résonné. Concernant les belligérants, oui, il y a toujours une part d’incertitude. Mais dans ces moments-là, il faut avoir le courage d’assumer ses convictions.


Avec le recul, que représente pour vous cet épisode dans votre vie de citoyen autant que de joueur ?

C’est un tournant. Cela m’a transformé non seulement comme joueur, mais aussi comme homme. Ce jour-là, j’ai compris que le sport pouvait être un levier puissant pour la société. C’est devenu une ligne de conduite dans ma vie.

 

Cet événement a-t-il décidé de votre engagement pour Peace and Sport ? 

Absolument. Quand j’ai été nommé vice-président de Peace and Sport, j’ai vu cela comme une suite logique. Je suis quelqu'un qui aime quand il y a de l'harmonie, la paix autour de moi. Avec Peace and Sport, je peux prolonger cet engagement à l’international.

Quels projets ou actions de Peace and Sport vous tiennent particulièrement à cœur ?

En mars dernier, une collaboration a vu le jour entre Peace and Sport et ma Fondation Didier Drogba, qui s’engage activement en faveur de l’accès à l’éducation et aux soins de santé, notamment pour les jeunes et les populations les plus vulnérables en Côte d’Ivoire. Je suis fier de voir cette synergie se concrétiser entre deux structures partageant des valeurs communes et une même vision d’un avenir plus équitable. Depuis 2017, aux côtés de Peace and Sport, j’ai eu le privilège de participer à plusieurs Forums Internationaux, où j’ai pu témoigner de mon parcours, exprimer mes convictions et échanger avec d’autres acteurs déterminés à promouvoir la paix à travers le sport. Ces prises de parole sont essentielles : elles permettent de sensibiliser un large public, mais surtout d’inspirer des initiatives concrètes sur le terrain. Parmi les moments les plus marquants, je garde en mémoire mon déplacement en Colombie en 2018, aux côtés de Peace and Sport. J’y ai rencontré le Président Juan Manuel Santos, Prix Nobel de la Paix, dans un contexte de reconstruction nationale après des décennies de conflit. Ce voyage a été une expérience profondément émouvante : voir comment le sport pouvait être un moteur de réconciliation, retisser les liens sociaux et redonner de l’espoir à la jeunesse.

 

Quelles sont les valeurs du sport qui vous semblent les plus porteuses d’un monde plus juste ?

Le sport, pour moi, c’est avant tout le respect, l’inclusion, le partage, la discipline. Ce sont ces valeurs qui permettent de créer des ponts entre les peuples, entre les cultures. J’ai grandi en voyant les ravages des conflits, pas seulement en Côte d’Ivoire, mais à travers le continent africain. Le sport m’a appris qu’on peut se battre pour quelque chose sans jamais entrer en guerre, qu’on peut être compétitif tout en restant fraternel. C’est plus difficile de dialoguer que de se battre, mais c’est là que le sport joue un rôle essentiel : il enseigne l’écoute, la résilience, la solidarité.


Votre notoriété et votre charisme sont vos armes pour la paix. Comment

le vivez-vous ?

Je le vis comme une mission. Quand une jeune fille de 15 ans te raconte qu’elle a perdu ses parents, qu’elle a grandi dans la violence... c’est très dur de trouver les mots justes. Mais je suis conscient que ma voix peut porter, et si je peux l’utiliser pour apporter un peu d’espoir, de visibilité aux causes importantes, alors je le fais avec tout mon cœur. J’ai eu la chance de croiser des figures inspirantes comme Nelson Mandela ou Juan Manuel Santos. Ce sont des rencontres qui marquent à vie. On se rend compte qu’on peut, à notre échelle, inciter au dialogue et à la réconciliation. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi être pragmatique. Dans les valeurs qui sont les miennes, j’aimerais que la paix se construise par le respect mutuel, par la parole, dans l’idéal. Cependant, la réalité impose d’agir sur plusieurs fronts. La paix ne se décrète pas, elle se construit, parfois lentement, à travers des actes concrets.

 

Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes à travers vos engagements ?

Je veux leur dire : ne baissez jamais les bras. Même si vous venez d’un quartier difficile, même si vous vivez dans la pauvreté ou la peur, il y a toujours un chemin. J’ai vu en Colombie des jeunes exposés à la drogue et au crime qui ne rêvent que d’une chose : devenir des personnes meilleures. Il faut les écouter, les soutenir, leur tendre la main. Le monde changera grâce à cette génération, si on lui donne les moyens, et si on l’inspire à croire en la paix, au respect de l’autre, au pouvoir de construire ensemble.

 

Avez-vous d’autres projets personnels dans le domaine de la paix ou de l’humanitaire ?

Ma Fondation continue à œuvrer sur des projets éducatifs et sanitaires, en Côte d’Ivoire et ailleurs. Mais je veux aller plus loin. Je crois qu’il faut construire des espaces de dialogue, de médiation, mais aussi renforcer le rôle du sport dans la diplomatie. Il manque aujourd’hui des figures capables de rassembler, comme Mandela ou Mère Teresa le faisaient. Si je peux être un relais, si je peux faire s’asseoir deux personnes qui ne se parlent plus, alors je continuerai dans cette voie, humblement mais avec détermination.

 
 
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